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Contacts : Noura Wedell
Modernisme et illisibilité, Colloque international, 23-25 octobre 2008.
L’objet du colloque international « Modernisme et illisibilité » sera d’interroger un mouvement littéraire majeur, le modernisme anglo-saxon, du point de vue d’un de ses effets aussi évidents qu’habituellement passés sous silence : l’illisible. Le modernisme sera considéré à partir de certains de ses textes réputés et reconnus pour leur résistance. Un grand nombre de textes modernistes que l’on pourrait qualifier de « limite » se trouvent relever de facto de la catégorie de l’illisible. Ces textes que l’histoire littéraire a retenus et canonisés posent, pour des raisons différentes, selon des modalités et des procédures singulières qui méritent d’être décrites et étudiées, des problèmes de lecture, problèmes de déchiffrage aussi bien que problèmes de compréhension, qui diffèrent et déplacent la question de l’interprétation. Du Finnegans Wake (James Joyce) au The Making of Americans (Gertrude Stein), en passant par The Waves (Virginia Woolf), certains Cantos (Ezra Pound), ou encore Molloy de Samuel Beckett, de nombreux textes canoniques du modernisme résistent à la lecture, se dérobent à la possibilité d’être articulés et commentés. Le paradoxe qui veut que nombre des plus grands textes modernistes soient à la limite de l’illisibilité mérite d’être exploré et déconstruit ; la question de la relation entre modernisme et illisibilité vaut d’être posée car elle n’est ni anecdotique ni indifférente. Plus qu’une dérive esthétisante, l’illisible peut être envisagé comme le fait et l’effet de poétiques plurielles, l’indice d’une mise en crise du sens, la signature d’un mouvement littéraire dont l’unité fait par ailleurs problème. Les textes à la limite de la lisibilité se rencontrent à toutes les époques et dans toutes les littératures, mais devant l’intensité et l’insistance de l’illisibilité moderniste, on pourra se demander dans quelle mesure celle-ci se constitue comme moment historique à part entière dans la littérature anglo-saxonne. On n’exclura pas pour autant une lecture critique de cette dernière hypothèse, qui en même temps qu’elle participe à l’élaboration du grand récit moderniste, entérine de fait une conception polémique de l’histoire littéraire comme succession de ruptures repérables à l’émergence de paradigmes radicalement nouveaux, tel, précisément, celui de l’illisible, à travers lequel les écritures modernistes interrogent la littérarité sous l’angle de la littéralité et mettent la littérature comme pratique aussi bien que comme institution historique au défi de s’expliquer, de rendre compte de ses procès et de ses croyances tacites et implicites, à déconstruire ce qu’écrire et lire veulent dire.
A travers l’illisible, les écritures modernistes interrogent la littérarité sous l’angle de la littéralité et mettent la littérature comme pratique aussi bien que comme institution historique au défi de s’expliquer, de rendre compte de ses procès et de ses croyances tacites et implicites, à déconstruire ce qu’écrire et lire veulent dire.
Qu’en est-il de la déroute de la signification, de la mise en échec du vouloir-dire qu’ils mettent en œuvre ? La question du sens, de la signification et de son autre, se profile derrière l’obstacle fait à la lecture. Face au mur littéral, à l’avalanche référentielle, le lecteur est mis en échec. Sa compétence « naturelle » est mise à mal. Ces procédures complexes de mise en échec de la lecture méritent d’être analysées. Babélisée, défigurée, épuisée, la langue est mise à rude épreuve. On pourra interroger la nature des transgressions dont ces textes modernistes procèdent, se demander à quoi exactement ils renoncent, à quoi au juste ils s’autorisent. L’illisible, qui n’est pas un mais multiple et singulier, pourra être utilement distingué de l’obscur, de l’énigmatique, voire de l’hermétique. On pourra interroger la dimension d’impossibilité que de telles productions littéraires impliquent du point de vue de l’écriture, examiner l’illisible du point de vue du scriptible. La question de l’ennui ou la jouissance qu’elles procurent pourra être légitimement examinée.