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TRACTS!
de la main à la main: le tract comme contre-pouvoir esthétique
Un des principaux intérêts du tract comme support de l’art réside dans le fait qu’il est en tout point l’exact opposé de l’œuvre d’art, telle en tout cas que la décrivent encore aujourd’hui les défenseurs d’une certaine tradition esthétique. L’œuvre est raffinée et atemporelle, le tract est ordinaire et jetable ; l’œuvre est métaphysique, le tract est politique, l’œuvre est précieuse, le tract est cheap. « Toute œuvre, et particulièrement une très grande […], écrit Michel Haar en 1994, présente une cohésion, une unité organique si puissante qu’elle renvoie davantage à elle-même qu’à aucun étant dans le monde. » L’œuvre aspire à la grandeur et elle se doit d’être grandiose, le tract, lui, est modeste et fugace. L’œuvre d’art, continue Michel Haar, est « un assemblage matériel irremplaçable et subtil, fait suivant la vocation de chaque art, de pierre ou de couleur, de sonorités musicales ou de sonorités verbales ». Le tract est plutôt grossier, remplaçable car reproductible, imprimé sur du papier ordinaire par une technique plus ou moins industrielle. La place de l’œuvre d’art est dans un musée, tandis que le tract – ni de pierre, ni de couleur – se faufile discrètement, voire clandestinement au milieu de la foule.
Cette position délibérément marginale incite les artistes qui ont une pratique du tract à épouser et à assumer la fonction subversive qu’il joue – logiquement – dans l’art…
5 janvier – 18 février 2012
Cabinet du Livre d’Artiste, Rennes